Centre francophone de l’Université Titu Maiorescu

 

«Défis et atouts de la pluralité linguistique dans la production et la communication scientifiques»
Cycle de conférences
Sous la direction du Professeur Maria NICULESCU

 

Pour le père de la philosophie de la science Auguste Comte « l’enrichissement des connaissances n’est pas la seule finalité de la science ; ses résultats doivent être utiles à la vie économique, sociale et politique ». Au fil de l’histoire la production et la diffusion des connaissances ont été le moteur du développement, l’accélérateur de la croissance et de la création de richesses, la source principale d’amélioration des conditions de vie des peuples.

Dans une société en mutation accélérée, les défis de la production et de la diffusion des connaissances sont multiples. Les défis de la langue à privilégier dans l’enseignement, la recherche et la communication scientifique, notamment universitaire, en font partie, car une langue est porteuse d’idées, de valeurs et d’une culture liées à un contexte. La langue maternelle est l’interface entre notre pensée et le monde extérieur, le moteur de la pensée, le levier du processus cognitif et de la créativité.

Aujourd’hui, quand la pluralité linguistique a laissé la place à l’hégémonie de l’anglais, la diffusion des résultats de certaines recherches dépasse rarement le cercle d’initiés à cette langue et leur utilité pour la société reste imprécise. De surcroît, certaines politiques nationales encouragent fortement la publication dans des revues et des maisons d’éditions anglo-saxonnes, en générant un certain désintérêt quant à la publication en langue nationale, notamment dans les sciences humaines et sociales. A titre d’exemple, en Roumanie, la focalisation sur les articles ISI et la non-prise en compte des publications en langue roumaine, ont conduit à la disparition d’un certain nombre de revues et à la chute catastrophique de l’édition de livres et de manuels académiques à vocation nationale.

Dans ce cadre, il est légitime de s’interroger sur l’impact des articles de recherche universitaire publiés juste pour répondre à des critères d’évolution de carrière des enseignants-chercheurs. On peut aussi se questionner sur l’impact et les bénéfices pour la société d’une pensée et une démarche de recherche formatées, qui ignorent la variété de postures épistémologiques et les différences linguistiques et culturelles.

Le choix d’une langue n’est jamais neutre sur le plan politique, économique, social et culturel. Dans la recherche, notamment dans les sciences sociales, l’intrusion d’une langue dominante influence la démarche de production des connaissances et la manière de voir le monde, en conduisant à l’éloignement des champs de recherche des réalités contextuelles, de l’univers socio-culturel national.

Cela se concrétise par la perte de terminologies et de sujets de recherche potentiellement utiles pour la société, la perte de domaines et de concepts nationaux, l’abandon de références bibliographiques nationales, la domination de certains concepts, de positions épistémologiques et de méthodologies anglo-saxonnes.

L’impact des connaissances produites par les chercheurs devient de plus en plus un sujet majeur de préoccupation tant dans le milieu académique, que dans le monde professionnel et politique. Il est légitime de s’interroger sur l’efficacité de l’investissement public national et européen dans la recherche, au même titre que l’investissement dans tout autre domaine. Par ailleurs, soucieuse de l’efficacité de la recherche, mais aussi de la diversité, la Commission européenne exige actuellement une meilleure orientation de la recherche doctorale et postdoctorale vers des thèmes et champs de recherche en lien avec les besoins de la société, en privilégiant le financement des chercheurs dans les domaines ayant un potentiel compétitif et apportant des réponses aux questions sociétales.

C’est dans ce contexte qu’un groupe d’universitaires roumains, réunis autour de l’Université Titu Maiorescu, se propose d’ouvrir les débats autour de ces questions avec la participation des personnalités de marque de divers espaces linguistiques, notamment francophone. Ces débats auront lieu dans le cadre d’un cycle de conférences intitulé « Défis et atouts de la pluralité linguistique dans la production et la communication scientifiques », qui sera organisé par l’Université Titu-Maiorescu à partir du mois de janvier 2020, avec une restitution des conclusions en décembre prochain.

Les thèmes indicatifs de ces conférences sont :

• Multilinguisme et multiculturalisme dans l’œuvre de Titu Maiorescu
• L’intelligence artificielle, langue et connaissance
• Pensée, langue et créativité dans la recherche scientifique en sciences humaines et sociales
• Le rôle des femmes dans la valorisation de la dimension contextuelle et linguistique de la
recherche
• La valeur ajoutée de la recherche francophone sur la gouvernance publique
• Les pièges de la traduction dans la recherche et la pratique du droit
• Le point de vue les anglophones natifs sur le « tout-anglais » dans la recherche scientifique
• La recherche en langues slaves : quels intérêt et positionnement
• L’évaluation de la recherche : la pression des classements, obstacle à la liberté de créer